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Le restaurant, rue de la Folie Méricourt

Le 26/09/2022

 

                                                            La découverte de "l'Aubergine"

 

—Et oui, je suis Jean-Paul, l’ancêtre de la famille, le père de Paul et le cuisinier-restaurateur de l’enseigne que vous voyez là-bas, sur le trottoir d’en face.

Constance chercha du regard.

—Paul m’en a parlé, mais il ne m’avait pas encore montré la boutique.

 —C’est l’auberge, à gauche de l’épicerie, vous la voyez ? La devanture Bordeaux, à « L’Aubergine ».

 Très fier de son établissement, il bombait le torse.

 —C’est un restaurant de quartier, pas très grand, mais suffisamment important pour accueillir des familles. Tous les jours, j’y propose une cuisine traditionnelle et renouvelée. Et à la carte, c’est différent, ce sont mes spécialités périgourdines, cuisinées à la graisse d’oie.

Sa femme tenta d’assourdir un éclat de rire dans son mouchoir, mais ne put s’empêcher de se manifester.

—Ma parole, mais tu lui fais l’article !

——C’est vrai que je l’aime ma boîte. Avant, c’était une graineterie un peu vieillotte et triste comme la commerçante qui la tenait et maintenant regardez-moi ça, c’est devenu un sympathique rendez-vous où les gens de bureau se rencontrent au déjeuner en semaine et le dimanche, ce sont les familles.

Constance se mit sur la pointe des pieds pour mieux contempler l’auberge au dessus d’un toit de voiture.

—Oui, c’est vrai qu’il a l’air sympathique votre restaurant et il semble aussi, très bien placé.

 —Vous apercevez une affichette, collée sur la porte, elle prévient la clientèle que L’Aubergine est actuellement fermée au public, mais pas pour nous ! Ce soir, nous y dînerons tous les quatre, à rideaux fermés, si vous en êtes tous d’accord.

Constance, enthousiasmée par la proposition, lui répondit.

—Ce sera avec plaisir et puis, cette rencontre, permettra à chacun de nous, de mieux nous connaître.

Le monticule de valises déposées dans l’entrée de l’appartement du deuxième, Constance et Paul demandèrent à se retirer pour se préparer.

—Bien sûr, que nous allons nous connaître et bien sûr aussi que nous allons bien nous entendre, vous verrez ! Le dîner, vers vingt heures, ça ira à tout le monde ?

—Oui, vingt heures, ce sera parfait.

Comme de grands enfants, les deux jeunes coururent jusqu’à leur appartement et se précipitèrent en premier dans la chambre de Claire. Le bébé, peut-être contente de retrouver ses murs, dormait, le sourire aux lèvres.

—Paul, je t’avertis, moi je ne pourrai pas la laisser seule pendant toute la durée de ce dîner, j’aurais trop peur !

Il éclata de rire.

—Sois tranquille, moi non plus. Il n’est pas question de l’abandonner dans l’appartement, elle viendra avec nous et ce sera sa première sortie dans le monde.

—Alors, on va leur dire...

Le colis de minuit est maintenant disponible sur toutes les plateformes : Amazon, fnac, decitre, etc... et aussi, ne les oublions pas ! Dans les librairies physiques (sur commande)

 

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L'escalier vers la publication

Le 03/09/2022

                                                                                      Interrogations

J'ai beaucoup aimé cette longue période de va et vient avec mon assistante éditoriale où on corrige, on recorrige, on supprime, on ajoute.... 

Les demandes que je lui adressais étaient parfois insolites, mais bêtement, je voulais tout savoir.

C'est une période, préalable à la publication où on est proche de la fin et où on se sent presque l'égal de sa coach. Inutile dire que j'avais déjà oublié mes lamentables fautes de français, mes incohérences historiques et mes chapitres redondants. Peu à peu, mon manuscrit était devenu "propre", comme ils disaient ! Vint alors le moment de la vérification des images,  de leur pertinenence et de leur nombre. Mon roman n'etant pas destiné à être publié sous forme de BD !

C'est alors que  me fût proposée la solennelle et définitive signature du BAT.

Une dernère vérification de la mise en page et ce serait enfin la publication...La publication, un carrefour ! Soit une large voie ouverte sur le grand soleil de la réussite, ou un passage étroit et obscur  où je serai seul, avec mon bouquin ...et amer, je répéterai en boucle : Tout ça pour ça ! 

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Humiliée par sa soeur, Lysa s'enfuit à New-York

Le 16/02/2023

Tours jumelles

Souriant comme toujours, Jean-Paul entra dans la pièce.

—Quel honneur, je vais donc déjeuner avec les deux plus belles jumelles de Paris ! Je ne vous ai pas trop fait attendre ?

Lysa lui répondit après l’avoir embrassé.

—Non, pas du tout, on bavardait. Entre sœurs, on a toujours beaucoup de choses à se dire.

Le repas pût enfin débuter dans une ambiance décontractée, Jean-Paul, le mari de l’une et le beau-frère de l’autre, était vraiment un homme délicieux, incapable d’imaginer la moindre fourberie émanant de son prochain et bien moins, encore, de la part de sa femme.

 Chantal et lui, s’étaient connus très jeunes et longtemps elle avait hésité à s’engager à ses côtés car très vite, s’était posé à elle une question simple.

—Pourrais-je faire toute ma vie auprès d’un tel naïf ! C’est écrit sur son visage, il se fera avoir à tous les coins de rue et moi, derrière, j’en aurai honte !

Et bien non, grosse erreur ! Jean-Paul était tout sauf un naïf. Sa présentation joviale lui servait d’entrée en matière avec ses interlocuteurs et aussi de paravent, mais derrière cette apparente naïveté, se cachait une personnalité réfléchie, dotée d’un solide tempérament.

—Alors, Lysa, parle-nous un peu de toi, comment va ta vie. Chantal m’a dit que tu te plaisais dans ton cabinet de finances de la rue de Rivoli !

—Le cabinet, oui ça va. Tellement bien d’ailleurs, que la boîte vient de me proposer une intégration à son capital !

—Bravo ! Belle preuve de confiance.

 —De confiance oui, bien que ce soit très modeste. Enfin, c’est un début, pour la suite, nous verrons !

—Et ton salaire, tu t’es bien assuré qu’il suivra ?

—Bien entendu ! Cette intégration dans les parts de la société, s’accompagnera d’un changement important dans ma vie, car je participerai, avec Jérémy Dupuech, à l’ouverture d’une succursale à New-York, dans le quartier d’affaires de Manhattan.

—Alors tu vas partir si loin ! Et moi, et ta sœur ?

—Tu sais, Jean-Paul, New-York, ce n’est pas le bout du monde ! Je suis maintenant dans le monde du travail et ne peux absolument pas laisser passer une telle une occasion.

—Les Etats-Unis, c’est tout de même très loin de chez nous.

 —Mais non, plus maintenant et en plus, je considère qu’à vingt cinq ans, je suis désormais assez grande pour prendre mes décisions professionnelles de façon autonome !

—Oui, cette décision t’appartient, c’est indéniable.

Jean-Paul sentit qu’il serait inutile et surtout périlleux de poursuivre sur un thème qui ne pouvait qu’irriter sa belle-sœur et prudemment, il changea de sujet.

—Pour vous deux, j’ai retenu que vous aimiez bien le poisson et vous ai réservé un filet de Saint Pierre, la bestiole est cuite à la vapeur et grillée sur la plaque.

Les lèvres pincées, Lysa lui rétorqua.

—Ce que je vais te dire, n’est pas très gentil et je ne voudrais surtout pas que tu te vexes, mais veux-tu savoir aussi, pourquoi je n’ai aucun scrupule à m’éloigner de la famille ?

Interloqué, il posa la vaisselle qu’il s’apprêtait à ramener en cuisine et resta un moment, bouche bée. Il finit par lui dire.

11 septembre 2001, Place du tertre, le colis de minuit

Le 08/12/2022

Un certain 11 septembre 2001... place du tertre.

 

Ce matin de septembre, tout paraît calme sur la place du tertre, il est trop tôt pour vendre de l’image et les portraitistes, à cette heure, que feraient-ils de leurs pinceaux, les touristes ne sont pas arrivés !

Une heure plus tard, il en va autrement, Bernard, barbe blanche exubérante et faconde inépuisable, tire le portrait d’une sexagénaire américaine aux cheveux décolorés d’un jaune criard. Cette ancienne jolie fille crie au scandale car son peintre vient de jeter son pinceau, après avoir entendu dans son transistor qu’un avion de ligne s’est écrasé sur une des orgueilleuses tours du quartier de Manhattan… nous sommes le matin du 11 septembre 2001.

Rue Norvins, un peu plus loin, sœur Constance, vingt cinq ans, cachée dans sa cellule, jette un œil attendri sur une fillette d’un mois qui a atterri dans ses bras par, crois-t-elle, une intervention divine.

Elle garde le secret sur la présence de l’enfant, mais elle sait qu’elle s’enfuira de ce couvent avec celui qui, depuis quelques mois est devenu son ami, le père Paul.

Salve Régina

Le 08/12/2022

Salve Régina

 

 

 

Constance aimait plus que tout, les quelques heures de liberté que lui accordait le couvent, deux fois par semaine. Accompagnée de son homologue novice, l’adorable Catherine, elle avait le loisir de franchir la porte de l’enceinte et toutes deux arpentaient alors Montmartre en semi-liberté. Deux heures à chaque fois et pas une minute de plus !

 Ce statut de novices leur permettait en effet de sortir, hors de la clôture, dans les rues de Montmartre, pour rendre de menus services au couvent. Ainsi les voyait-on faire des courses alimentaires à la Superette voisine ou compenser un manque de pains du petit déjeuner à la boulangerie de la rue des Saules.

Les deux jeunes femmes, on s’en doute, accomplissaient ces missions extra-muros avec joie et il n’était pas rare que les habitants du quartier les surprennent au coin d’une rue entrain de s’esclaffer de rire pour de tout petits riens.

Ainsi passait la vie, semaines après semaines avec le rythme lent et monotone, propre aux habitudes, un jour succédant à un autre… Mais elles étaient jeunes et bientôt, leur curiosité fût plus forte que la répétition rituelle des trajets. Elles se hasardèrent donc à explorer plus loin, entre les stands des portraitistes, sur la trop célèbre place du tertre !

Ici, la population qu’elles croisaient n’était pas celle des montmartrois, majoritaires quelques rues plus loin. Sur ce carré, cerné des innombrables commerces de bouche, se tassaient des anglophones, des germanophones, des hispaniques, bref, des touristes de toutes couleurs et de tous poils. Face à ces visiteurs d’un jour, s'empressaient des peintres amateurs, mais aussi quelques autres, plus aguerris.

Ce qui était cruellement visible, c’est que ces professionnels du pinceau étaient tous désargentés, plus pauvres les uns que les autres !

Onze heures ! Les courses terminées, les deux jeunes sœurs décidèrent un jour de s’accorder quelques instants de liberté sur cette place pleine de vie et d’agitation colorée avant de regagner la rue Norvins et l’austérité de la clôture. Elles musardèrent un moment entre les stands et c’est alors qu’elles remarquèrent deux toiles agréablement colorées, c'étaient les oeuvres modestes d’un peintre qui semblait afficher la bonne cinquantaine. L’homme peignait manifestement des toiles d’inspiration post impressionniste qu’il exposait au regard des curieux, mais bien peu s’arrêtaient devant son étal.

Plantées devant le stand et après un instant de réflexion, Constance ne put s’empêcher de lâcher à sa collègue.

—Celui-là, c’est un véritable peintre et si je t’en parle, c’est parce que j’ai fait deux ans d’histoire de l’art, avant d’entrer au couvent.

—Et tu as abandonné ?

—Oui, j'ai abandonné ! Un jour je te raconterai. Regarde le trait du dessin sur celle-ci, on le discerne nettement sous la couche colorée. J'aime beaucoup cette toile représentant un buste de femme.

—Je n’avais pas remarqué, c'est vrai, on discerne le trait du crayon qui lui a servi d’esquisse.

—Souvent, un bon peintre, c’est avant tout, un bon dessinateur !

—Moi, tu le sais, je n’y connais rien, mais très vite, je sais dire si ça me plaît ou si ça me laisse indifférente !

—Et alors ?

—Alors vois-tu, j’aime ! J’aime la pudeur distinguée de ce visage de femme de quarante ans et j’y lis une réelle souffrance. Pourquoi une telle tristesse ? Je n’en sais rien, mais je suis sûr qu'au moment du travail de peinture, elle n’était pas heureuse.

—Malheureuse oui, mais vas savoir, ce n'est peut-être qu'une expression passagère ?

—Passagère, je ne crois pas. L’expression d’un visage transmise par le pinceau, en dit beaucoup sur le modèle et aussi sur le peintre.

Justement, le peintre sortait du restaurant tout proche, une tasse de café à la main.

—Bonjour mes sœurs, vous semblez vous intéressez à la peinture ?

—Bonjour monsieur, oui, à celle-ci en particulier, vous connaissez le modèle qui a servi à construire ce portrait ?

—Oui, le modèle, c’est ma femme, on peut dire plus exactement que je la connaissais car aujourd’hui, mon adorable Agnès a disparu !

—Oh pardon ! Veuillez excuser mon manque de réserve, mais ce visage, derrière un sourire de façade, semble refléter une telle détresse !

Le peintre posa sa tasse après avoir bu les dernières gouttes de son breuvage et renseigna un couple d’américains à la recherche de la rue Caulaincourt, enfin libéré, il revint vers les deux jeunes novices.

—Je l’expose pour montrer ce que je sais faire, mais il n’est pas à vendre.

Constance rougit un peu avant de répondre.

—Vous ne le savez peut-être pas, mais, dans notre confrérie nous faisons vœu de vivre dans le dénuement le plus complet et de ce fait, nous ne pourrions pas vous l’acheter !

—On ne vous empêche tout de même pas de le voir et de l’analyser. Vous avez le droit de vous servir de vos deux yeux et de choisir ce que vous aimez !

—Oui, certes !

Soudain, le visage du peintre devint très pâle, semblant refléter une grande tristesse.

—Agnès, dont vous avez ici une représentation, était mon épouse, elle est aujourd’hui décédée.

—Oh mon dieu, si jeune ! J’ai honte de vous faire évoquer une aussi pénible situation, alors que vous devez encore en souffrir.

—Il n’est pas une minute où je ne pense à elle, mais paradoxalement, je n’ai pas peur d’évoquer sa mémoire et parler d’elle continue à la faire vivre. Elle m'accompagne à chacun de mes déplacements !

Onze heures trente se mirent à sonner sous le clocher ventru de la basilique et sur les terrasses, le bruit des assiettes qui s’entrechoquaient, remplaça momentanément le caquetage des clients. Dans un savant ballet, des serveurs, terriblement pressés disposèrent le couvert des futurs convives. Brusquement, la place du tertre changea d’ambiance, plus de peintres, plus de portraits faits à la va vite, la vaste cantine du premier service venait de planter son décor.

Près de chez « La mère Catherine », les deux novices et le peintre poursuivaient leur conversation.

—Alors ça, c’est extraordinaire ! Au premier regard, vous avez été capable de discerner, sous les traits de mon pinceau, l'état d'âme de mon modèle !

—Oui, la tristesse profonde d’un être désemparé.

—Bravo ! Moi en préparant mes couleurs, je ne me souviens pas d'avoir lu autant de choses dans les yeux d'Agnès.

—Certainement aviez-vous d'autres préocupations. En tous cas, merci de nous avoir consacré ces instants et peut-être que ma facilité à lire dans vos toiles est un vieux reliquat de ma formation antérieure.

—Quelle était-elle, cette fameuse formation ?

—J’ai fait deux années l’histoire de l’art.

--- L'histoire de l'art, bravo !

---Mais vous savez, tout cela n’a en fait, pas grand-chose à voir. On a envie d’entrer dans une œuvre ou pas !

Le peintre se commanda un nouveau café et revint vers les deux jeunes femmes.

—Moi, pendant les dix jours où j’ai réalisé cette toile, je me suis concentré sur mon travail et je n’ai rien vu d’autre que le manque de qualité de ma peinture, j’étais une sorte d’automate égoïste, alors qu’il eut été facile de comprendre que ma femme n’était pas bien du tout.

Pour moi, sa tristesse était normale, car pour un modèle, rester des heures sans bouger, tout le monde sait que c'est particulièrement pénible.

—Retrouvait-elle sa gaîté et son élan de vie entre les séances de pause ?

— Non, pas du tout ! Agnès, à cette époque avait perdu toute joie de vivre et surtout, elle maigrissait.

L’homme se plongea à nouveau dans sa tasse de café et lorsqu’il releva la tête, elles constatèrent qu’il avait la voix cassée et les yeux embués.

—Nous avons pu encore profiter deux semaines ensemble où nous nous sommes beaucoup parlé, en évoquant les moments heureux de notre couple, mais aussi notre grande frustration de ne pas avoir réussis dans notre désir d’enfant.

—Certainement était-elle dépressive ?

—Oui, assurément. Elle était d’ailleurs suivie à ce sujet par un psychiatre ainsi que notre médecin généraliste et un gastro-entérologue.

—Sur le plan médical, elle était donc loin d’être isolée.

—Un jour, elle m’a forcé à m’asseoir, dans le salon de notre maison et elle m’a demandé de ne pas l'interrompre.

—Elle avait aussi la sensation que vous n’aviez pas assez d’échange.

—Certainement, mais pour être conscis, je vais vous relater les quelques mots qu’elle m’a sorti calmement, en me fixant dans les yeux.

—François, j’ai préféré repousser cette entrevue le plus longtemps possible. Peut-être pensais-je qu’attendre ne pourrait qu’arranger les choses et retarder toutes les échéances, bref régler le problème… 

—Mais de quoi me parles-tu ? Inutile de mettre la tête dans le sable, si tu veux me parler, vas-y, dis-moi.

—Mon amour, je vais mourir, pas tout de suite, dans deux ou trois mois tout au plus, mais c’est certain, je vais mourir !

—Voyons, ma chérie, tu es belle, tu es jeune, comment peux-tu me dire une chose aussi terrible !

—François, écoute-moi, je te le répète, je vais mourir.

Elle expliqua, les larmes aux yeux, mais la voix ferme que son absence de quelques jours, il y a deux semaines, contrairement à ce qu’elle lui avait dit, n’avait pas été motivée par une visite chez sa mère et que les appels téléphoniques qu’elle lui passait tous les soirs provenaient de l’hôpital de la Pitié où elle était hospitalisée pour y subir un bilan.

—François, je suis condamnée ! Un cancer digestif, diagnostiqué trop tard et non opérable. Le pancréas…

Tous les trois étaient maintenant attablés à la terrasse du restaurant. Les jeunes novices, pétrifiées par la cruauté de l'histoire qu’elles venaient d’entendre étaient restée muettes, mais soudain, Constance sembla se réveiller.

— Le malheur de votre couple nous a beaucoup émues et nous sommes vraiment contentes de vous avoir rencontré.  Dans quelques semaines, ma propre vie aura changé et peut-être qu’à ce moment, vous ne me reconnaîtrez pas, mais j’en suis certain, je reviendrai. sur cette place.

—Ce sera avec plaisir et si j’ai du mal à vous reconnaître physiquement, je suis certain que je n'oublirai pas votre voix.

—Elle est pourtant bien banale, cette voix ! Je voudrais vous servir de modèle pour la réalisation d'une madone, une maternité, si vous préférez.

—Avec un enfant ?

 —Je vous expliquerai mieux à cette époque. J’aimerais cependant vous dire, dès maintenant, que je souhaiterais appeler ce futur tableau, « Salve Régina ».

—« Salve Régina », pourquoi pas ! C’est solennel et mystérieux !

—Oui, mais pas seulement, c’est mystérieux et tendre …

 

 

 

Montmartre, la nuit, rue Norvins

Le 27/11/2022

                                          Montmartre,  rue Norvins.

                                                    

Il était déjà très tard, dehors, pas un quidam pour user ses godillots sur le grès des trottoirs, ce soir, comme tous les autres, la ville affichait un calme assourdissant…  La lumière hypnotisante des écrans de télévision avait rassemblé le troupeau des humains en des millions de petits groupes dispersés et muets

 Une grosse lune éclairait si bien la rue, qu’elle rendait accessoires les réverbères, posés en rangs d’oignons, comme pour planter le décor d’un film. Montmartre, plus qu’un quartier, un faux village, mais une vraie nuit…

La butte sans ses touristes, sans ses bruits routiniers et avec seulement au coin d’un porche, les notes aigres d’un pauvre musicien affaissé sur son piano à bretelles, Montmartre endormi, avec toute sa tendresse et sa profonde misère ! Quelle merveille, se disait Perrotin !

Tel un héros de roman, il avançait, le regard déterminé fixant l’horizon. Ce soir il était fier car, il avait pris seul sa décision, une véritable décision d’homme.

Alors c’est ça, elle ne voulait pas de cet enfant ? Eh bien, tant pis ! Tant pis pour elle ! C’est lui qui se chargerait de déposer le colis en un lieu où il savait qu’on s’occuperait du bébé. Surtout qu’il n’avait pas de gros efforts à faire, c’était là, tout près, à deux rues de chez lui, au couvent de la rue Norvins.

Essoufflé, il se souvint de cette chanson nostalgique de Jean Renoir, interprétée par le sublime Mouloudji. C’est vrai qu’à Montmartre, la pente était raide !

—J'ai trop mangé et en plus, le poids de ce gosse ! Je souffle comme un bœuf proche de la réforme, une petite pause sera la bienvenue.

Une borne en pierre accueillit son généreux postérieur, le nourrisson dormait et lui se sentait bien. Il murmura à sa propre intention, dans la solitude de cette nuit décisive.

—Et si je le gardais ? Pour moi, juste pour moi. Je louerais un appartement…

Perfide, la petite voix de sa conscience lui siffla à l’oreille.

—Tu ne vas pas nous faire croire que tu serais capable... capable de ça ! N’oublie pas qui tu es Perrotin ! Je te le répète sans cesse, tu es un lâche et un lâche ne peut pas…

—Ta gueule !

Il se releva péniblement de sa borne et en se retournant il s’aperçut qu’il tournait le dos à la porte cochère du musée de Montmartre.

—En route mon pote ! Ce n’est pas l’heure de visiter.

Un peu plus loin, en levant les yeux, il fût impressionné par la grande tour presque fantomatique du château d’eau de Montmartre.

— Quand je rentre du bureau, ce château d’eau, je ne le vois jamais, alors que ce soir, dans cette nuit de cristal, il me paraît immense. Plus que ça, impressionnant et presque inquiétant !

Quelques pas encore, il frissonna.

—Voici la plaque, je suis au début de la rue des Saules, on arrive.

Il ajusta le cinquante pour cent cashmere de son col de manteau et proclama, le sourire aux lèvres en regardant le paquet.

 —Encore deux cent mètres et tu seras chez toi, mon petit gars. Dire que je ne connais même pas ton nom et que je ne sais pas plus si tu es une fille ou un garçon !

Arrivé rue Norvins, Il s’arrêta un moment devant la porte d’honneur du vieux couvent, les yeux dans le vague, un peu comme s’il s’interrogeait encore !

 Il se devait d’être ferme, l’aventure était terminée, c’était fini et il n’avait rien d’autre à faire qu’à déposer son colis de minuit sur une des marches en grès. D’ailleurs, lents et solennels, les douze coups grondaient sous le dôme du Sacré-Cœur.

Il se retourna et, une fois encore, son salaud de censeur, lui susurra.

—C’est la troisième fois que je te le dis, Perrotin, mais je le répète encore, au cas où tu ne m’aurais pas entendu, tu es un putain de lâche !

Contrarié par cette pensée, mais sans tomber dans le piège du commentaire, il se tourna vers la rue, sans un regard pour le cageot.

Le nourrisson, peut-être se sentant une nouvelle fois abandonné, s’éveilla en bousculant sa couverture et, jugeant qu’il avait faim, se mit à hurler, au point d’en couvrir les derniers coups de la cloche. Perrotin ajusta alors son chapeau et se hâta vers son logis.

 Finalement, pour lui, cette histoire se terminait plutôt bien. Certes sous son couvre-chef, il entendit alors le murmure d’une adorable comptine chantée par une fillette.

—Perrotin est un lâche ! Perrotin est un lâche…

Il shoota rageusement dans une cannette de Coca et au bord des larmes, il lança comme si ce fût une plainte.

—Que pouvais-je faire d’autre ! Eh merde, merde à la vie et merde à Perrotin…

Constance, premier regard

Le 20/11/2022

Constance, premier regard...

Comme tous les matins, sœur Constance faisait quelques pas sur les graviers crissants du couvent.

 Septembre ! Les premiers frimas roussissaient les feuilles du tilleul. Au sol sous une ramure agonisante, une nuance infinie de marrons formait un tapis glissant où les feuilles luttaient d’influence entre le vert de quelques heures de vie et la découpe noirâtre d’une mort certaine.

Sous son épaisse robe de coton, battait un cœur de vingt-cinq ans et pour la première fois, la jeune sœur découvrait qu’elle était certes une religieuse, mais aussi une femme et une femme comme beaucoup d'autres, éprouvant un fort désir de maternité.

 Mais vaille que vaille, en ce matin frileux, elle avançait en égrainant les billes arrondies de son petit chapelet d’ivoire, sans apparemment, se poser de question et pour éloigner toutes les mauvaises pensées qui auraient pu l’assaillir, elle priait…

Rue Norvins comme ailleurs, la règle était stricte. Lorsque sœur Constance serait amenée à croiser un homme et dans ce couvent, ce ne pouvait être que le jardinier ou le père Paul, il lui serait interdit lever les yeux !

Elle distingua faiblement, au fond de l’allée, quelques mots échangés sur la technique de bouturage des rosiers. C'était certainement le père Paul car il adorait le jardinage. Instinctivement, elle serra plus fort les grains de son chapelet et orienta sa marche vers la chapelle.

Après une génuflexion devant l’autel où brillait la petite flamme du saint sacrement et un « Notre Père » machinal, la tète enfouie dans ses deux mains, elle se tourna vers la sortie et en poussa la vieille porte. Derrière, au même moment, le père s’apprêtait à entrer et tout naturellement, leurs regards se croisèrent. Elle lui sourit et Paul, avec empressement, en fit de même. Elle ressentit alors une forte émotion qui lui serra la poitrine et, sans se retourner, elle se hâta vers sa cellule.

                                                                                       www.drto.frJeune religieuse

Une roseraie, un sourire...

Le 13/11/2022

Roseraie

Elle était triste en ce matin d'automne et pourtant, comme chaque jour à cette heure, elle avait sillonné les allées crissantes du jardin sans rencontrer personne. Voilà plusieurs mois qu'elle s'état forgée une certitude. Impossible, il lui semblait impossible d'imaginer pouvoir continuer sa vie de religieuse dans un tel dénuement affectif !

Un matin, c'était un lundi je crois, elle avait transgressé la règle dans la roseraie du couvent. Bien qu'elle ait nettement entendu un pas qui venait en face,elle avait osé lever les yeux et avait affronté le regard doux et bienveillant du père Paul qui lui avait souri...

 

                                                                                                                                    www.drto.fr